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C’est du lourd :)

Avant d’entrer dans le dur, voici la problématique que tu as formulée si ma lecture est juste : tu constates aujourd’hui un état de tourment ou de « souffrance intérieure » chez ta génération, dû à l’incompréhension (voire la dissipation) de l’intimité au profit d’une quête purement libidineuse et lubrique, elle-même résultat d’une surabondance de produits & services sexuels accessibles et bon marché, exubérance favorisée à son tour par un progrès technique débridé et par l’ingérence de la politique (politicienne) dans la sphère de l’éducation et de l’émancipation sexuelles sous forme de simulacre de solution à l’endroit d’un vrai problème (générationnel) de société.

Le choix de l’œuvre Les Amants (I) de Magritte tombe sous le sens vu le sujet que tu abordes ici. C’est une série de 4 tableaux comme tu le sais. J’ai toujours considéré cette œuvre comme un polyptyque qu’il convient de parcourir d’un bout à l’autre (pas forcément dans l’ordre) car les amants se voilent et se dévoilent tour à tour… du coup, pris séparément, on risque de passer à côté du "grand tableau". Bref, mille et une interprétations sont possibles bien sûr… pour ma part, je trouve plus intéressant de considérer les 4 pièces ensemble. Ah oui, la série Les Amants a été réalisée en 1928 donc pratiquement en période de crise (1929) économique et sociale... peut-être Magritte se posait-il les mêmes questions que toi ;)

Sur le fond, voici quelques remarques à chaud :

1. Tu as raison de distinguer entre misère et pauvreté et je comprends ce que tu entends par douleur ou souffrance intérieure, bien que je ne sois pas certain que ce soit propre à « ta » génération. Quoi qu’il en soit, je constate pour ma part au contraire un « trop-plein » de choses plutôt que du vide, un sentiment de désarroi devant la surabondance de tout et n’importe quoi plutôt qu’un sentiment de manque bien défini qu’il convient de combler. La confusion peut susciter la débandade, comme tu dis, mais pas le rejet, car ce dernier exige une compréhension préalable de la situation. De même, cette même génération n’est pas à mon sens « une génération sans dieu » mais au contraire une génération avec une foule de dieux et de demi-dieux, antiques et modernes, avec lesquels elle ne sait plus trop quoi faire. De nouveau, surabondance, excès, trop-plein… donc désorganisation et désorientation à tout-va.

2. Je ne crois pas que la sexualité ait besoin d’un « transcendantal » pour être appréciée et exprimée entièrement et à sa juste valeur. La sexualité (y compris le plaisir sexuel) évolue et doit évoluer, comme tout le reste, au gré des besoins et de l’imaginaire de chacun. Le transcendantal (kantien ou autre) aime bien unifier, intégrer, voire totaliser. Je trouve que c’est mieux quand ça « bifurque » tous azimuts ! Le législateur a depuis toujours séparé la sphère publique de la sphère privée et c’est déjà beaucoup.

3. Ton point de vue à l’égard de la « technè » fait écho à celui de Heidegger. En réalité, rien ne nous dit que les (sex) robots ne seraient pas « une » solution et pas forcément un problème à la souffrance et à la détresse générationnelles dont tu parles. Une sorte de « mal » nécessaire si l’on préfère, comme les armes nucléaires ou les réseaux sociaux. Je peux me tromper mais tu sembles apposer de l’éthique ou du moral sur quelque chose (technè) qui est par essence à double tranchant : la télé est-ce bien ou mauvais ? tout dépend de l’usage qu’on en fait ; la science est-ce bien ou mauvais ? même réponse.

4. Enfin, ce que tu appelles le « remplacement de l’autre » est tout bonnement inévitable. Entre transhumanisme, nano-médecine, homme augmenté, IA… le rapport que nous avons avec notre corps et plus généralement avec la sexualité n’en sera que modifié, sensiblement, pour le meilleur ET pour le pire !

Pour aller jusqu’au bout des hypothèses que tu avances ici, surtout en termes d’implications, il faudrait réexaminer chaque point à l’aune de deux niveaux d’analyse déterminants, qui apparaissent d’ailleurs en filigrane dans ton texte : individuel et collectif et éthique/amoral. Car j’ai le sentiment que tu vises – ou que tu pointes du moins – un projet collectif qui soit respectueux de certaines valeurs, pas forcément morales, disons d'ordre éthique, teintées d’universalisme presque nostalgique mais sans être « réac » :) Cela dit, je peux me planter.

Beau texte et réflexions stimulantes, comme à chaque fois !

Souf

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"It sounds paradoxical, but it is possible to witness misery even in the presence of abundance."

Yes, powerful statement. Because abundance has been conceptualized incorrectly in modernity; what many refer to as abundance is an extremely draining and life-denying force. Do not confused abundance with availability. Abundance, if aligned with anything good, does not, cannot, will not mean that anything is available to everyone at all times.

Abundance is knowing what the time, place, and mechanism for an object or experience, and further, knowing in right relationship, such an object or experience is in abundance precisely because it is limited to its best manifestation. Wholesome. Fulfilling. A long breath taken over many seconds, not a series of hyperventilations.

Someone stuffing cheesecake into their mouth all day, because there is an unlimited amount, is not engaging in abundance. Only one slice of cheesecake is abundant, more than access to 100 cheesecakes at every hour, if one knows how it should be enjoyed once per week after a particularly decadent meal.

So too with sex. Increasing body count is not abundance. Dating five people simultaneously is not abundance. Masturbating to a never ending stream of e-girls on OnlyFans is not abundance.

We will have to rediscover and re-internalize this one way or another.

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